381 jours, c’est le temps qu’a duré le boycott des bus de Montgomery. Un acte de désobéissance civique qui a ouvert la portes à de grands changements. Rosa Park remet le flambeau à des jeunes bruxellois qui aspirent à un avenir meilleur.
La situation des noirs dans les années 60 et l’islamophobie ambiante des
années 2000. Vu d’ici, tout les sépare mais une pièce met en scène ces deux
époques qui se croisent et s’entrechoquent. En tournée jusque fin décembre, Ismael
Akhlal nous explique les raisons de ce parallèle improbable.
1)
Quel est le lien entre Fruit étranger
(votre première pièce) et 381 jours ?
Pour nous, Fruits Etranger c’est le constat d’une réalité.
En 2010 à Bruxelles, les lois anti-discriminations existent mais qu’en est-il
sur le terrain? Et après ce constat qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on se
dit « c’est tous des racistes » dans une position victimaire. Ou
bien, on essaie de renier cette réalité. On s’est dit qu’il y avait toujours
quelque chose à faire. C’est pour cela que l’on s’est plongé dans l’histoire du
mouvement des droits civiques. A l’époque quel était leur constat ? Les
noirs devaient céder leurs places dans un bus, ne pouvaient pas aller dans tous
les restaurants… Comment cette
population s’est organisée et a fait en sorte de faire bouger les choses ?
D’améliorer leur situation sociale ou du moins, juridique. On voulait en tirer
les bonnes conclusions. Aujourd’hui, tandis que l’islamophobie est grimpante,
que pouvons-nous faire ici ? Alors
le lien entre Fruits Etrangers et 381 jours ? On part d’un constat dans
Fruit étranger et on décide d’agir dans 381 jours. On n’accepte pas cet islamophobie
grimpante et le racisme très féroce. 381 jours se veut une ode à l’action.
2)
En avril 2011, Ras El Hanout a effectué
un voyage aux Etats-Unis. En quoi cela a été nécessaire à la création de la
pièce ?
A la National Association for the Advancement of Colored
People (NAACP), ils ont un carnet avec tous les politiques à qui ils ont soumis
des projets. Ils reprennent ceux qui ont voté pour, contre et ceux qui
se sont abstenus. Ce sont des outils qui leur permettent de mesurer la
disposition d’une population majoritaire à accepter une population minoritaire.
C’est à la Howard University-la première université noire-
qu’est née l’action de Rosa Park. C’étaient des actions coordonnées et la seule
manière de venir à bout de cette ségrégation dans les transports en commun,
c’était de le faire dans plusieurs Etats pour aller à la cour suprême.
Ils nous ont donné la matière pour pouvoir créer 381 jours.
Aller aux Etats-Unis, était la seule manière de comprendre et de pouvoir
expliquer ce qui leur est arrivés.
3)
Pourquoi avoir fait ce parallèle entre la
situation des jeunes issus de l’immigration et celles des noirs dans les années
60 ? Beaucoup de choses les opposent : l’époque, l’ethnie, la
religion…
Beaucoup de gens disent que la comparaison est un peu forte.
Tout doucement, il y a des choses que les politiques disent qui étaient
inimaginable il y a 20 ans. Comment ça se fait qu’il y a ce relâchement ?
Pourquoi peut-on dire aujourd’hui, « je suis islamophobe » devant
tout le monde sans avoir à rendre des comptes. Ce parallèle n’est pas dans la violence subie.
Aujourd’hui, cette violence est plus timide. C’est une violence symbolique. On
ne parle plus de races mais de cultures. La conclusion est que l’égalité ne
sera jamais acquise.
4) La pièce est essentiellement composée de jeunes
maghrébins. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de
communautarisme ?
On voit toujours le communautarisme chez les autres. C’est
une différence liée à la perception. On ne parle jamais du communautarisme
majoritaire. On peut très aisément parler d’un noir, d’un marocain mais une
fois que l’on dit « une blanche », ça choque. Le différent, c’est toujours
l’autre. Les personnes ne se voient pas eux-mêmes, comme différent. Parce que
si je suis différent, c’est que lui est différent de moi.
5) « A change is going to come », cette chanson est le moteur de la pièce. Alors, ce changement doit venir du peuple et non plus des hautes sphères de l’Etat ?
Tout à fait. Ces associations représentent un cheminement
vers l’empowerment. Le fait de pouvoir s’autogérer et de cheminer vers
l’autonomie.
On tente de montrer que la population minoritaire peut
rendre compte de ces discriminations et faire en sorte que la société change.
Ces populations minoritaires sont vitales à la société d’aujourd’hui. Elles
permettent de se dire à la population majoritaire : « tiens, on y
avait pas pensé ! » Par exemple, l’accessibilité des personnes à
mobilité réduite. Il faut avoir un handicap pour se rendre compte que dans la
société, il y a beaucoup d’endroits inaccessibles. Le but est de faire
comprendre qu’indirectement, ils nous discriminent par certaines normes qu’ils
imposent. J’admire beaucoup le travail de Rokhaya Diallo. Elle dit qu’il faut
pouvoir bousculer la société majoritaire, de sorte à lui faire comprendre que
son horizon n’est pas la norme. Je vais vous citer un exemple qui est très
parlant. Lorsqu’une personne de couleur blanche met un sparadra, ça ne se voit
pas. Mais quand une personne de couleur noire met ce sparadrap, ça se voit. La
personne qui l’a conçu n’est pas raciste mais elle a pour seul horizon la couleur
blanche.
Curieux de voir le teaser de la pièce ou les dates de spectacles? www.ras-el-hanout.be
Curieux de voir le teaser de la pièce ou les dates de spectacles? www.ras-el-hanout.be
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