dimanche 9 août 2015

Pourquoi les tresses de Kylie déchaînent les passions?

Il y a quelques semaines, Kylie Jenner postait une photo d'elle avec une nouvelle coiffure : des tresses africaines. La légende de la photo indiquait : "I woke up like this #whitegirlsdoitbetter..." (Un hashtag qu'elle s'est empressée d'enlever)

La photo a commencé à faire le buzz à cause de la jeune Amanda Stenberg. Elle a  écrit un commentaire en expliquant pourquoi il n'est pas juste de s'emparer de certaines coutumes des noirs sans les défendre quand il y a des gros problèmes dans la communauté. "When u appropriate black features and culture but fail to use ur position of power to help black Americans by directing attention towards ur wigs instead of police brutality or racism #whitegirlsdoitbetter.'
Il faut dire que depuis quelques semaines, le débat sur l'appropriation culturelle bat son plein sur Internet.
Aujourd'hui, je vais m'attarder sur la question des cheveux et des coiffures dîtes "afro".
Partout dans le monde, les noirs ont toujours eu une culture particulièrement riche en ce qui concerne le soin apporté à leurs cheveux. Le nombre de coiffures possibles est assez impressionnant et on retrouve des coiffures typiques aux afro-descendants dans le monde entier.
Quand une personne d'une autre ethnie se coiffe avec une coiffure africaine, ça devrait être vu comme quelque chose de flatteur. Mais alors pourquoi tous ces débats?

Le mouvement civique des droits des noirs rebat son plein
Le mouvement commence en 2013, après l’acquittement de George Zimmerman, un policier qui a abattu Trayvon Martin (17 ans). Depuis lors, le nombre de vidéos montrant des noirs abattus par des policiers blancs a explosé sur la toile.
Quand le monde découvre les tueries, c'est le choc. On a l'impression de se retrouver 40 ans en arrière mais la réalité est que la répression policière ne s'est jamais arrêtée. C'est simplement que l'on a désormais la possibilité d'observer les tueries grâce aux smartphones et aux réseaux sociaux.
En voyant les vieux démons de l'Amérique réapparaître, les noirs Américains décident de s'organiser. Plusieurs manifestations violentes et pacifiques éclatent un peu partout aux Etats-Unis. Cette actualité montre que malgré l’élection d'un président noir, la question de la race est de nouveau à l'ordre du jour.
Photo d'une manifestation aux USA. "I can't breathe" utilise les mots d'Eric Garner lors de son assassinat en pleine rue par des policiers. 

L'échange culturel est à son apogée
Au même moment, l'industrie musicale évolue. Macklemore, un rappeur blanc gagne 4 Grammy Award. Beaucoup pensent que c'est Kendrick Lamar qui aurait dû gagner et y voit une forme de racisme. Macklemore lui-même avoue qu'il a bénéficié d'un "white privilege".
A son tour, Azeala Banks reproche à Iggy Azaela de ne pas utiliser son influence pour défendre les droits des noirs. Iggy est une chanteuse blanche, australienne qui s'est clairement inspirée des femmes noires pour créer son style. Accent du sud des Etats-Unis, rap aux relents de Nicky Minaj, formes voluptueuses... Elle est propulsée aux devants de la scène et son titre "I am so Fancy"est un succès mondial.
Mais alors que Macklemore milite clairement durant le mouvement  "black lives matter", Iggy préfère ne pas s'en mêler.

Se conformer et lisser ses cheveux, une question de survie (ou presque)
On vit dans une société qui est marquée par le patriarcat et le racisme. Etre une femme, c'est être (entre autre) un physique. Plus que chez les hommes, notre apparence joue un rôle central dans nos vies. Et il est clair que ce sont des injonctions qui touchent toutes les femmes... Mais c'est plus violent chez les femmes noires. Pourquoi? Parce qu'avec une peau noire et des cheveux crépus, on détonne forcément dans le monde occidental.
Quand on a les cheveux crépus, se tresser les cheveux n'est pas un effet de mode. C'est une méthode de soin pour éviter l’emmêlement des cheveux. Malheureusement, ces coiffures ont pendant très longtemps été sujette à des moqueries.  Et voir que tout d'un coup, les grands noms de la mode s'approprient ces coiffures, qui ont jadis été moquées a de quoi mettre en colère. Surtout que ce qui est considéré comme moche sur les uns (les noirs) est tout d'un coup vu comme beau (quand ce sont des blancs qui les portent).

Un magazine qui explique comment faire des "mini buns" inspiré par Marc Jacobs alors que ce sont des bantu knots. (Une coiffure africaine exportée aux Etats-Unis par les noirs américains)
Et quand certains se demandent, mais alors, pourquoi se défriser les cheveux ou se les lisser? N'est-ce pas également une forme d'appropriation culturelle?
Il faut savoir que c'est surtout pour s'intégrer au monde dans lequel on vit. Une recruteuse m'a un jour clairement conseillée de changer de coiffure. Alors que j'avais un simple afro tiré en chignon. Une coiffure simple mais vu comme "ethnique" et donc forcément, non professionnel. Toutes ces remarques poussent un bon nombre de femmes noires à user d'artifices pour s'intégrer.
--> Et c'est là qu'arrive l'oppression et la frustration. Pourquoi devrait-on laisser une autre ethnie utiliser nos coiffures quand ils ont eux-même dénigrer notre culture capillaire?


Echange culturel ou appropriation culturelle?
La frontière est très mince entre les deux. Et je n'ai moi-même pas encore très bien compris la nuance. Mais je dirai que le plus important est de rester loyal et juste quand on utilise la culture de l'autre. Il faut montrer du respect et s'intéresser à ce qu'on fait. Il faut rechercher le sens des symboles et non pas vouloir être cool. On vit dans un monde globalisé et il est clair que l'échange est naturel. Mais on vit aussi dans un monde injuste. Il est impossible d'oublier des siècles d'esclavage et de colonisation si vite. Et tant que les personnes ne seront pas traitées d'égal à égal, ce sera toujours une question délicate.
Etre noir n'est ni une malédiction, ni un cadeau. C'est un fait avec lequel il faut vivre et qui oblige à prendre conscience des inégalités. Alors si on veut utiliser des éléments qui appartiennent habituellement aux personnes afro-descendantes, il faut aussi, devenir profondément militant.


SOURCES :
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet je vous propose de lire ces articles et regarder ces vidéos :
Vidéo de Laci Green : should white people rap?

Allure and making sense of cultural appropriation

This White Feminist Loved Her Dreadlocks – Here’s Why She Cut Them Off

Amandla Stenberg on cultural appropriation

The Difference Between Cultural Exchange and Cultural Appropriation

What Is Cultural Appropriation and Why Is It Wrong?


4 commentaires:

  1. Très intéressant cet article !
    Deltreylicious

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    1. Merci pour ton commentaire Deltreylicious. J'espère que ça va encore plus ouvrir le débat ds le monde francophone.

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  2. J'ajoute comme le précédent commentaire que l'article est intéressant.

    Sad reality :( "Etre noir n'est ni une malédiction, ni un cadeau. C'est un fait avec lequel il faut vivre et qui oblige à prendre conscience des inégalités"

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