lundi 3 décembre 2018

Femmes noires et IST : comment se protéger?

J'ai appris la nouvelle un jeudi soir de novembre.
Je m'ennuyais terriblement dans la salle d'attente du centre de dépistage et j'essayais tant bien que mal de me concentrer sur ma lecture malgré le balai incessant de personnes venues se faire tester.
C'était la 6e fois que je passais par là et presque à chaque fois, je repartais avec une bonne nouvelle.
Pour la première fois de ma vie, je n'avais aucune crainte, aucune appréhension et j'étais persuadée que tous mes résultats seraient négatifs.
Une fois dans le bureau du médecin, les résultats tombent. Tous sont négatifs, sauf pour la chlamydia.
Je confirmais la statistique : 1 jeune sur 20 est porteur de la chlamydia. Au-delà de la surprise ou de la honte, cette nouvelle confirmait surtout les soupçons que j'avais sur l'infidélité de mon partenaire....
Mwasi, collectif afroféministe


Réflexions sur ma propre expérience...
A l'occasion de la journée mondiale contre le VIH/SIDA, je souhaite écrire sur ce sujet assez tabou et mettre en avant ma propre expérience. J'ai envie d'écrire, tout en sachant que ça peut avoir des répercussions sur ma vie, ma réputation et ma famille. Le problème, c'est qu'en gardant le silence, j'aurais l'impression de faire partie du problème.
Je suis une femme noire, j'ai 25 ans et j'ai la chance d'être séronégative. Je ne pense pas avoir une vie sexuelle très active ou avoir des pratiques très à risque.  Je fais très attention, je me fais dépister 2 fois par an et j'ai presque toujours eu des partenaires sur du long terme avec qui, j'ai systématiquement fait des tests avant d'arrêter les préservatifs.
J'ai commencé ma vie sexuelle il y a seulement 6 ans et j'ai eu 2 IST ces 4 dernières années. Je pense que ce n'est pas normal et je crois qu'être une"femme noire" y est pour quelque chose... J'ai l'impression d'avoir couché avec des menteurs et des gamins... Des personnes qui ont des comportements dangereux et quqi me rappellent tous ces gens qui prennent le volant en étant ivre, qui mettent en péril la vie des autres.

Pour mieux comprendre la situation des femmes noires dans le monde, voici quelques faits bon à savoir : 


  • "Les adolescentes de 10 à 19 ans sont surreprésentées dans les cas de nouvelles infections en Afrique. En 2016, les nouvelles infections chez les jeunes filles (15-24 ans) étaient 44% plus nombreuses que chez les hommes du même âge." (Rapport Avert, Key Infected Populations) Ces chiffres prouvent bien qu'elles ont des rapports sexuels avec des personnes bien plus âgées qu'elles. On peut émettre différentes hypothèses pour expliquer ça : viol, travail du sexe, précarité...
  • Les personnes noires qui sont contaminées en France, le sont, durant leurs premières années sur le continent européen.(Kitambala) "Depuis plusieurs années, des études quantitatives comme l’enquête Parcours, réalisée par l’ANRS (Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites) tentent d’évaluer l’impact du vih et de l’hépatite B sur la qualité de vie des « migrant·e·s subsaharien·ne·s ». Si certain·e·s d’entre elles·eux sont originaires de pays où l’épidémie reste virulente, de nouvelles données virologiques démontrent qu’une partie des infections ont lieu en France, notamment dans les premières années qui suivent l’arrivée des africain·e·s subsaharien·ne·s sur le territoire. C’est donc durant ces périodes d’instabilité, de grande précarité, d’absence de droits, que les personnes ont des pratiques à risques et s’infectent au vih."
  • "Le couple, même marié, ne protège pas les femmes contre le VIH-Sida, beaucoup de femmes hétérosexuelles contractent le VIH-Sida alors qu'elles ont des rapports sexuels réguliers avec un seul partenaire (concubinage ou mariage). Elles découvrent leur statut sérologique plus tardivement, n'ayant pas eu le réflexe de faire des dépistages réguliers, ce qui a des conséquences lourdes sur l'évolution et la prise en charge de la maladie."(Mwasi)

Cette situation de grande vulnérabilité provient de facteurs multiples : problèmes d'accès à l'information et aux soins médicaux. Mais aussi culture du viol, misogynie, manque d'éducation à la vie sexuelle et affective.... Les histoires de viols ne sont pas non plus à négliger car malheureusement, beaucoup d'hommes n'entendent pas lorsqu'on exige d'utiliser un préservatif.


Rapport à la sexualité, pistes d'action et outils d'empowerment
Depuis la libération sexuelle en Europe, il y a un rapport désinvolte à la sexualité. Sur Internet, j'ai souvent lu/écouté des témoignages de personnes qui désacralisaient totalement la sexualité. Cependant, je pense que ce rapport à la sexualité est un privilège qui n'est valable que pour une certaine catégorie de personnes : blancs.hes et hétérosexuelles...Je ne pense pas qu'on puisse appréhender son rapport à la sexualité de la même façon lorsqu'on fait partie d'un groupe à risque et fortement exposé aux IST. C'est pour cette raison qu'il me semble indispensable de discuter de ces sujets entre afroféministes et d'apporter des réponses spécifiques à nos besoins. Le problème, c'est qu'on manque de leaders d'opinions et de femmes qui osent parler de ces sujets sans tabou.

Comment se protéger?  Rester sur vos gardes + Dépistage !

  • En tant que femme noire dans ce monde, nous n'avons que notre cerveau pour nous protéger.
A cause du contexte socio-culturel dans lequel on se trouve en Europe, je conseillerai aux jeunes femmes noires de s'informer et de prendre leur temps avant de commencer leur vie sexuelle.
Le savoir est une arme : il faut se protéger, se dépister et connaitre son statut sérologique.


  • Exiger à son partenaire de faire des tests mais ne pas faire confiance trop vite.

Si vous connaissez votre statut sérologique, vous pouvez vous protéger et protéger les autres. Mais attention à ne pas oublier toutes les autres IST, auxquelles j'ai moi-même été confrontées qui se soignent souvent très facilement mais encore faut-il les détecter à temps...


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