lundi 18 avril 2016

L'importance de la non mixité dans la lutte contre le racisme

J'avais envie d'expliquer mon positionnement personnel sur cette question. La non mixité choisie, c'est exclure volontairement certaines personnes d'un groupe pour s'auto émanciper.
Christine Delphy l'explique ;
"Dans les années 1960, la non mixité choisie a d’abord été redécouverte par le mouvement américain pour les droits civils qui, après deux ans de lutte mixte, a décidé de créer des groupes noirs, fermés aux Blancs. C’était, cela demeure, la condition:
- pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire, sans crainte de faire de la peine aux bons Blancs ;
- pour que la rancœur puisse s’exprimer – et elle doit s’exprimer ;
- pour que l’admiration que les opprimés, même révoltés, ne peuvent s’empêcher d’avoir pour les dominants – les noirs pour les Blancs, les femmes pour les hommes – ne joue pas pour donner plus de poids aux représentants du groupe dominant."
Bref, le but était de libérer la parole, de s'exprimer dans un espace safe et de s'assurer que le groupe dominant ne monopolise pas la parole.
Des falsifications historiques à notre vision paternaliste du noir
J'ai lu récemment le livre de Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs. Fanon est l'une des figures essentielle de la négritude. Il faut savoir que ce mouvement a inspiré le black nationalism un peu partout dans le monde. Et non pas le contraire. C'est en effet, les personnes de la négritude qui ont d'une certaine façon, ouvert la voix pour la lutte des droits civils aux USA. Très peu de gens le savent. Déjà parce que les falsifications historiques durant la colonisation font légion mais également parce qu'il n'est pas bien vu de montrer le noir comme quelqu'un de combatif. C'est le "black" qui se bat, tandis que le noir attend une main tendue. Encore aujourd'hui, il arrive qu'on entende des Européens affirmer que l'on a offert l'indépendance aux peuples africains. Alors que la réalité historique est bien plus complexe.
Dans nos mots se cachent notre imaginaire. Si on n'a peur du mot noir, c'est parce que derrière s'y cache un passé douloureux. Parler de noir au lieu de black, c'est reconnaître son existence et réaffirmer la place qui est la sienne dans le monde francophone. Une reconnaissance linguistique du noir dans les pays européens est essentiel. Déjà pour garantir qu'on oublie pas l'histoire des noirs d'Europe mais aussi pour arrêter le politiquement correct. Ne pas voir les couleurs et ne pas les nommer, c'est nier les violences que subissent les personnes discriminées.


L'exemple très frappant de "Touche pas à mon pote"
Contrairement aux activistes noirs des Etats Unis, les principaux acteurs de la négritude ont la plupart du temps été absorbés par le pouvoir : Aimé Césaire, en tant que ministre. Leopold Senghor en tant que président du Sénégal...
Plus récemment, c'est avec Touche pas à mon pote que la France s'est brillamment illustrée dans sa capacité d'appropriation d'un mouvement citoyen défendant les droits des non blancs. Je rappelle les faits et le contexte : au début des années 80, il y a énormément de bavures policières en France. Plusieurs jeunes des banlieues sont tués par des policiers. A la suite de ces évènements, un petit cortège de 17 personnes se met en marche pour dénoncer ces violences. Une majorité de jeunes d'origines maghrébines et quelques militants politiques vont marcher pour réclamer la dignité. La Marche pour l'égalité et contre le racisme se termine en apothéose à Paris avec plus de 100 000 personnes. C'est un bel exemple d'auto détermination des racisés. L'après-marche est plus compliqué. Ce mouvement ne débouche pas sur une organisation concrète par les opprimés, pour les opprimés. C'est SOS Racisme qui récupère l'idée et lance la campagne "Touche pas à mon pote". Une organisation très paternaliste, (géré par des blancs) qui affirme très poliment qu'il ne faut pas agresser son ami noir/beur/asiatique, c'est selon.



Ne me libère pas, je m'en charge...
Les associations antiracistes en Belgique sont très peu visibles et malheureusement, tout comme en France, ce sont bien souvent des personnes blanches qui ne vivent pas les discriminations qui sont à leurs têtes. Je trouve que ça n'a pas beaucoup de sens car contrairement aux blancs qui travaillent dans ce secteur, cette problématique m'appartient. Je n'ai pas besoin d'un doctorat pour en parler car mon expérience de vie est suffisante. Mon combat contre le racisme, est inscrit dans ma chair. C'est l'une des seules formes d'oppression où les spécialistes de la question ne vivent pas eux mêmes cette oppression. Sur la question de la femme, c'est en majorité des femmes qui se battent et se constituent en lobby pour combattre le patriarcat. En ce qui concerne les problématiques de genres et d'orientations sexuelles, ce sont principalement des personnes LGBTQI qui prennent la parole. C'est logique et personne ne trouve rien à redire. Mais qu'est ce qui fait que l'on a toujours une vision paternaliste quand il s'agit de parler de l'antiracisme? Pourquoi les premiers concernés ne devraient pas être ceux qui se chargent de cette problématique?
Pour Frantz Fanon, le racisme n'est pas simplement une construction sociale. C'est une maladie psychique qui peut avoir des graves conséquences. "Le traumatisme psychique produit par la discrimination et l’oppression ne disparaît pas simplement parce que des programmes de réparation économique, des formes d’égale opportunité sur le marché du travail, ou une action sociale visant une égalité entre les races ont été décidés. Il constitue un véritable « trouble de la santé mentale », et en tant que tel, il « doit faire l’objet de programmes de soins, qui lient la guérison psychologique à la conscience politique progressive que les systèmes de domination institutionnalisés, agressent, abîment et mutilent »"Pour Frantz Fanon, homme noir et marxiste, ce qui guérit, c'est la lutte. "Selon lui, c’est le passage à la violence contre le colonisateur qui débarrasse le colonisé de sa psychopathologie" (Cairn)
Les écrits de Frantz Fanon peuvent réellement être une bonne base pour comprendre à quel point il est important de lutter soi même pour sa propre cause. En particulier lorsque les personnes qui nous oppriment doutent de nos capacités intellectuelles.




L'auto émancipation, c'est du racisme inversé
C'est l'argumentaire de ceux qui considèrent que l'antiracisme est devenu raciste. Pour moi, c'est un argumentaire qui a très peu de sens car le  racisme est une idéologie qui considère que certaines catégories de personnes sont intrinsèquement supérieures à d'autres.
Honnêtement, l'argumentaire du racisme anti blanc me fatigue vraiment. Surtout qu'il vient très souvent de personnes blanches antiracistes mais qui ne se rendent pas compte de leurs privilèges. Non, le racisme institutionnalisé anti-blanc n'existe pas. Les personnes qui n'aiment pas les blancs ne sont jamais dans une position de pouvoir.  Elles n'auront donc, que très peu d'impact sur la vie de ces blancs. De plus, c'est vraiment de la malhonnêteté intellectuelle d'utiliser cet argument quand on connaît l'histoire du racisme.


La question du whitesplaining
Les personnes les plus progressistes ont parfois du mal à faire preuve d'empathie. Elles partent du principe qu'elles savent ce qui est raciste. Elles pensent mieux comprendre le racisme car elles ont du recul. C'est le danger quand on travaille avec des personnes qui ne subissent pas ces oppressions. Ils risquent de faire du whitesplaining et d'expliquer que non, je suis parano et que telle ou telle chose n'est pas raciste.  Si je me sens insultée par certains propos, ça vaudrait la peine d'essayer de comprendre d'où vient ma frustration au lieu de me dire que j'ai mal compris ou que je vois le mal partout. Vu l'ancrage du colonialisme et de l'impérialisme dans le monde, il ne faut pas oublier que oui, le mal est partout.


Etre un bon allié, c'est déjà du travail
Je crois que travailler en tant qu'allié, c'est déjà assez compliqué comme ça. Si on veut vraiment participer à un monde plus juste, il serait peut être temps d'écouter les personnes oppressées au lieu de parler à leurs places. Nous n'avons pas besoin de portes paroles, nous avons besoin supporters.

dimanche 10 avril 2016

Top 3 des déclarations racistes qui confirment le racisme d'état en Belgique

Les théories de l'intersectionalité des luttes, des oppressions et des privilèges sont complètement méconnues en Belgique. Dans un pays où l'on n'a complètement occulté la colonisation du débat public et où le blackface fait partie du folklore, il est difficile de faire émerger des théories très progressistes.
Le racisme d'état existe et voilà un florilège de ce qu'on a pu voir et entendre ces derniers mois de la part de nos dirigeants.




N° 1 Jan Jambon, solidaire avec les collabos


Jan Jambon, membre du parti nationaliste flamand et ministre de l'intérieur déclare  : "Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons". 
C'est le genre de phrase qui ne passerait nulle part ailleurs. Passé le choc lié à cette déclaration, tout le monde a continué à vivre sa vie et Jan Jambon a continué à diriger son ministère sans être inquiété.  Le Belge a souvent tendance à être passif sur ces questions.




N°2 Theo Francken doute de ma valeur ajoutée.


Theo Francken, membre de la NVA, secrétaire d'état à l'asile et à la migration déclare : "Je peux me figurer la valeur ajoutée des diasporas juive, chinoise et indienne mais moins celle des diasporas marocaine, congolaise ou algérienne"
C'est très ironique de voir une personne qui a ce genre de propos rester à cette fonction. Quand on voit ce niveau d'ouverture d'esprit, on ne s'étonne plus des décisions inhumaines qui sont prises en matière de migration.




N° 3 Pour Bart, le racisme est relatif.


Bart Dewever, président de la NVA, bougmestre d'Anvers : "Le racisme est relatif. Je n'ai encore jamais rencontré un migrant asiatique qui se dise victime de racisme (...)Nous avons autorisé (à venir) la mauvaise sorte de migrants en masse et ensuite trop peu a été fait. Nous n'avons pas mené de politique d'intégration (...) Surtout les Berbères. Ce sont des communautés fermées, avec une défiance envers les autorités" Cette fois, on entre dans une concurrence des migrants. De Wever utilise l'inconscient collectif et stigmatise les gens, tout en attribuant des bons points aux bons migrants. On sait que dans la hiérarchie des races, les Asiatiques étaient juste en dessous des Ayriens et déjà à l'époque, le racisme envers ces communautés était moins ancré. De plus, en désignant les Berbères comme bouc émissaire, il pointe du doigt un groupe ethnique et fait de l'essentialisme.  Il ne parle pas des Marocains mais il emploie une stratégie vieille comme le monde : diviser pour mieux régner. (Faut-il rappeler que le racisme intracommunautaire est également très présent au Maroc?)





Plus récemment, le cortège de néonazis devant le mémorial pour les victimes des attentats de Bruxelles prouve que le racisme n'est pas juste une préoccupation du passé. Le racisme pur, dans son expression la plus sanglante et la plus forte est devant nos portes et c'est à nous de nous en prémunir.